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Amjad EL HAFIDI

La personnalité juridique entre Orient & Occident : Sua cuique persona ?

« La « personne » est plus qu’un fait d’organisation, plus qu’un nom (…) elle est un fait fondamental du droit. En droit, disent les juristes : il n’y a que les personae, les res, et les actiones : ce principe gouverne encore les divisions de nos codes. Mais cet aboutissement est le fait d’une évolution spéciale au droit Romain. » avançait Marcel Mauss[i].


            L’auteur relie ainsi la genèse de certaines catégories juridiques, notamment celle de « personae » au développement du droit romain. Cette conception a contribué à ériger le droit continental en précurseur absolu du concept de personne juridique, que ce soient pour les personnes physiques ou morales. Cette vision a même conduit certains auteurs à nier l’existence d’entité morale, dotée de la personnalité juridique dans d’autres traditions juridiques, notamment islamique.


            Il est ainsi souvent présenté que dans la tradition juridique islamique, la notion de personne morale, entendue comme l’aptitude pour une entité fictive d’être titulaire de droit et de répondre d’obligations, est inexistante[ii] [iii] [iv]. En réalité, en adoptant une démarche comparatiste et dans un contexte de pluralisme juridique, il apparait que la personne juridique en tant que concept n’est pas propre au droit continental. En effet, la réalité historico-juridique est plus complexe. Le droit islamique s’est aussi fait le creuset d’un concept similaire : la dhimma.



I. La notion de Personnalité juridique à l’aune du droit continental : permanence & recomposition

 

            Si le terme de personne peut s’avérer polysémique, ce dernier revêt un définition précise dans la scène juridique dans laquelle nous nous plaçons. La personnalité juridique réduite à sa définition la plus large, telle qu’on peut la trouver chez Cornu[v], correspond à l’aptitude à être titulaire de droit et de devoirs sur la scène juridique, entendue au sens de Krynen[vi]. En somme, être une personne sur le plan juridique, c’est être « sujet de droit »[vii] par opposition à un objet de droit. En effet, la distinction classique suppose qu’une chose est à proprement parler un objet de droit et non pas sujet de droit car elle n’est pas dotée de la personnalité juridique.


            Au sein du droit continental, c’est-à-dire de tradition civiliste, la présence du concept de personne juridique est indéniable. Par exemple, les droits positifs français, belge ou encore allemand[viii] reconnaissent deux catégories de personnes juridiques : les personnes physiques et les personnes morales. Aussi, dans les pays à dualité juridictionnelle comme la France, le Portugal, l’Italie, le concept connaît un raffinement puisqu’une typologie s’établit pour différencier les personnes morales de droit public et de celles de droit privé.

 

            L’analyse historique considère le droit romain comme le point de départ du concept de persona. Cette vision s’appuie sur l’étude des « constructions juridiques de la Rome antique »[ix] suite à leur codification à partir du IIème et jusqu’au VIème siècles ap. J-C, sous le règne de l’empereur Justinien (527-565). Une telle vision conçoit que ces constructions juridiques ont été la base du développement du droit en Europe occidentale[x]. En ce sens, il est régulièrement admis que l’avènement de la modernité politico-juridique au Moyen-Âge chrétien, prenant assise sur les acquis du droit romain, a fait éclore le concept philosophico-juridique de personne[xi]. Il n’échappera pas d’ailleurs, que le mot est étymologiquement transparent. Le terme « personne » provient du latin « persona », lequel serait issu de la fusion des termes  « Per » et « Sonare », en référence aux masques utilisés dans le cadre des théâtres antiques et par lesquels la voix des acteurs était portée[xii].

            Dans un premier temps, le droit romain, ou à tout le moins l’interprétation qui nous en ait parvenu à travers les Instituts de Gaius, semble reconnaitre aux individus libres la qualité de personne[xiii]. Cette reconnaissance s’établit en fonction du statut social des individus[xiv]. Ce faisant, à l’exclusion des esclaves, des femmes et des métèques, seules les individus libres jouissent de la qualité de personnes et peuvent exercer à ce titre les droits reconnus par le droit romain aux civis, les citoyens. Ainsi, selon la terminologie présente dans les Instituts de Gaius, les esclaves sont des choses, puisqu’ils sont objets et non sujets de droit[xv]. Par la suite, la notion de persona va peu à peu se détacher de l’individu physique qu’elle désignait alors pour devenir de plus en plus abstraite[xvi]. Ce détachement progressif du réel, contribue à accorder au concept de persona une « autonomie suffisante pour devenir une qualité que l’on peut considérer en elle-même, indépendamment de la personne concrète qui la reçoit »[xvii] .


            Ainsi, le terme persona, lié à l’univers de la théâtralité par la métaphore des masques antiques, entre irrémédiablement dans la scène juridique pour appréhender l’existence des acteurs du système juridique[xviii]. L’autonomie du concept de personne vis-à-vis de la réalité des êtres qu’il désigne, va peu à peu ouvrir la possibilité pour ce dernier de viser également des entités abstraites.


            En effet, sous l’impulsion de la scolastique médiévale (St Thomas d’Aquin et l’interprétation jusnaturaliste) et du droit canonique, certaines collectivités et entités sont fictivement considérées comme des personnes[xix]. C’est le cas, par exemple, des Universitas à la tête desquelles un individu, en vertu de la loi agissait au nom et pour le compte de la corporation. Bien que le terme persona ficta ne se retrouve pas sous la plume d’Innocent IV et que les Universitas ne pouvaient commettre de crime[xx], plusieurs auteurs voient dans les décrétales papales d’Innocent IV [xxi], l’inauguration de la théorie de la fiction de la personne morale. Cette dernière, reprise ensuite par l’école de la fiction Savignienne[xxii], avance que c’est par un acte de volonté du Législateur seul, qu’une personne morale advient. Alors que les individus physiques acquièrent la personnalité juridique concomitamment à leur naissance[xxiii], dans cette théorie, la reconnaissance de la personne juridique pour les entités morales est subordonnée à la Loi, et en dehors de celle-ci, ni la personne morale ni ses conséquences juridiques ne sauraient exister (patrimoine propre, droit d’ester, etc.). Cette conception est remise en question par des théories concurrentes[xxiv]. En effet, la théorie de la réalité retient que la personne morale est un sujet de droit indépendamment de la Loi, capable de défendre des intérêts collectifs distinctement des intérêts des individus la composant[xxv]. Comme le précise Bernardini, la jurisprudence française civile « a reconnu la personnalité juridique à des groupements auxquels la loi ne l'avait pas expressément attribuée, et cette reconnaissance s'est faite dans le sens d'une lente consécration de la théorie de la réalité » [xxvi].


            Pour autant, l’apport de la scolastique médiévale ne doit nullement occulter que la matrice intellectuelle forgée durant le siècle des Lumières, et dont l’École du droit naturel moderne s’est largement inspirée, a contribué autant que le droit romain, si ce n’est plus, à consolider le concept de personne comme sujet de droit[xxvii]. Actuellement, si les sociétés, les associations, et les syndicats professionnels ont trouvé un cadre juridique dans lequel leur personne morale prospère, à la fin du XVIII siècle, la notion de personne morale au sens moderne est encore loin d’être aboutie. De fait, le concept est principalement invoqué en droit public pour rendre compte de la situation juridique des collectivités telles que les villes et les corporations[xxviii]. Au début du XIXème siècle, il investit peu à peu un champs plus large. En effet, l’essor économique et industriel fait naitre la nécessité d’un rassemblement plus étroit des moyens de production en vue de fluidifier les échanges de marchandises. Dès lors, on assiste à l’émergence d'organismes économiques dotés d’une personnalité juridique, distinctes de ses individus propriétaires[xxix]. Ainsi, en droit continental, la consécration de la personne juridique des entités fictives n’est pas seulement tributaire d’une évolution spéciale au droit romain, mais aussi le fruit de l’héritage intellectuel du siècle des Lumières et de l’apport de l’École jusnaturaliste moderne.


            Dans l’univers juridique islamique, c’est à travers la dhimma que la notion de personne juridique « continentale » a son pendant. Il apparait que la dhimma répond à des problématiques similaires à celles adressées par son « homologue » continental [xxx]. Bien qu’au sein de l’univers juridique islamique, la dhimma revêt une dimension particulière, liée à la nature même du droit islamique, on pourra observer que la notion a aussi été étendue à des entités fictives.


II. La personnalité juridique en droit islamique (fiqh) : proximité & singularité


            À titre liminaire, quelques précisions terminologiques sont nécessaires afin de mieux comprendre la portée des concepts qui vont être abordés.


Que faut-il entendre par droit islamique ?

 

            Dans sa définition la plus large, le droit islamique ou « fiqh » correspond à l’ensemble des prescriptions juridiques, auxquelles le croyant musulman doit se conformer dans différents aspects de sa vie, commune ou individuelle[xxxi]. Les aspects régis par le fiqh gravitent principalement autour de cinq branches que sont le culte (les ibadat), le statut personnel (Ahkam Ashakhsiyya), les affaires sociales (Al mu’amallat), le droit constitutionnel (Ahkam Sultaniyya), et enfin le droit international. 


Si le fiqh s’apparente davantage au droit musulman à proprement parler, qu’entend-on par Charia et Qanun ?


            Sans entrer dans des considérations terminologiques qui nous éloigneraient trop de notre sujet, il faut retenir que le terme Charia est un terme arabe[xxxii] qui n’est pas doté d’un sens univoque et universel[xxxiii]. Ainsi, seul un regard contextualisé nous permet d’appréhender la portée de ce terme[xxxiv]. Ceci étant, pour notre propos, on retiendra que le vocable de Charia ou Loi islamique sur le plan juridique fait référence à l’ensemble des normes formant le corpus[xxxv] juridique, d’essence divine, et s’appuyant sur le Coran et la Tradition Prophétique (Sunnah).


            La Charia est le support explicite de la majorité des normes applicables dans la vie du croyant (droit de la zakat, droit à la vie, droit à la propriété, droit commercial et contractuel, etc.). Toutefois, face au silence des textes, certaines prescriptions trouvent leurs racines dans un effort interprétatif et exégétique (ijtihad)[xxxvi]. L’ensemble de ces prescriptions, explicites et implicites, forme le fiqh au sens de droit islamique[xxxvii] : c’est en ce sens-là que nous entendrons le droit musulman. Enfin, en témoignage de la relation singulière entre fiqh et Charia, il est à noter qu’à l’exception de la Constitution syrienne de 1950[xxxviii] qui érigeait le fiqh comme source principale de la législation, la plupart des États du monde arabe fondent leurs normes suprêmes en référence à la Charia et non au fiqh en tant que fondement de la législation[xxxix].


            Le Qanun, quant à lui, renvoie au droit positif moderne, en apparence profane[xl], des États à majorité musulmane. Si ce vocable était déjà utilisé dans l’univers islamique pour désigner certains ouvrages scientifiques de référence[xli], c’est au XIXème siècle, sur fond de colonisation et de luttes pour l’indépendance, et notamment sous l’impulsion de la Nahda[xlii] que le terme Qanun , par analogie aux législations occidentales, en vient à désigner le « droit positif, forme de droit profane d'origine sultanienne précisant l'application de la loi »[xliii].


Quelle normativité pour le fiqh ?


            La question de la normativité du droit musulman est essentielle, car contrairement au droit romain qui apparait comme une source d’inspiration des systèmes continentaux, le droit musulman est aujourd’hui encore pourvoyeur de sens dans les législations contemporaines. Que ce soient par des mentions explicites au sein des constitutions étatiques, ou par l’inspiration informelle de certains principes légaux, ou l’adoption de certaines solutions juridiques, le droit islamique continue d’exercer une influence sur les systèmes juridiques modernes des États majoritairement musulmans. En effet, comme le souligne Nathalie Bernard-Maugiron, « la plupart des États contemporains à majorité musulmane ont inséré dans leur Constitution ou loi fondamentale des dispositions faisant référence à l’islam ou à la loi islamique. Très souvent, l’effet pratique de ces dispositions reste cependant de l’ordre du symbolique ou est confiné à certains domaines, comme le droit de la famille. », pour autant, elle-ci ajoute que « ces références religieuses peuvent toutefois produire un effet juridique, lorsqu’elles sont invoquées devant les tribunaux […] »[xliv].


            Ces précisions terminologies étant faites, intéressons nous à la définition du mot dhimma. En arabe, le sens étymologique met en évidence deux idées : d’une part celle de protection, de garantie, et d’autre part celle de conscience morale[xlv]. Le terme dhimma se retrouve dans le texte coranique à plusieurs occurrences[xlvi]. Il en est de même au sein de la tradition prophétique [xlvii]. L’analyse contextuelle de l’emploi de la dhimma au sein des sources scripturaires révèle que le terme est polysémique[xlviii].


            S’agissant de l’univers juridique islamique dans lequel elle s’inscrit, la dhimma recouvre notamment deux réalités majeures. D’abord, elle peut faire référence au statut spécifique conféré aux minorités protégées par l’Etat musulman, et dont le régime a été abondamment décrit par le juriste Al Mawardi dans l’Épitres aux Princes[xlix]. Sous le statut de « dhimmitude », les minorités disposent de la protection étatique et versent un tribut (djizyah). Elles voient leurs juridictions canoniques et leurs coutumes maintenues et ne sont pas soumis à l’obligation de servir dans l’armée musulmane[l]. Puis dans un autre registre, la dhimma est utilisée comme concept-clé par les jurisconsultes (fuqaha) pour rendre compte des liens entre obligation et capacité juridiques[li]. C’est en ce sens que le concept de personnalité juridique en droit islamique n’est pas inconnu puisque la dhimma a été couramment évoquée et débattue par les jurisconsultes, et ce, dès le début de la construction des théories du droit islamique au début du IX siècle. En effet, l’Imam Chafi’i (767-820 ap. J-C), considéré comme le plus grand contributeur à la théorisation du droit islamique[lii], a recours à la notion de dhimma dans son oeuvre maitresse, Kitāb al-Umm, pour expliquer le fait que la dot reste une dette pesant sur le patrimoine du mari, à moins que la conjointe ne renonce à ses droits[liii].


            La dhimma s’insère dans un univers juridique particulier. En effet, en sus de créer un espace spirituel, l’Islam établit un univers normatif dans lequel l’individu évolue. Dans ce système juridique, afin de rendre compte des liens qui unissent l’individu (Mahkum Alayhi) aux normes édictées (Hukm), le droit islamique reconnait aux personnes physiques, croyantes ou non, l’aptitude d’acquérir et d’exercer des droits. Les jurisconsultes s’accordent pleinement à ce sujet et le terme qui recouvre cette réalité n’est autre que celui de dhimma (ذمة). Plus encore, la capacité juridique (Ahliyyah) dont dispose les personnes physiques résulte directement de la dhimma. Les individus, croyants ou non, sont juridiquement responsables (Mukallaf) car ils disposent de la dhimma.


            À cet égard, il conviendra d’observer que le droit islamique distingue bel et bien la personnalité juridique de la capacité. De fait, comme en droit continental, la capacité juridique (Ahliyyah) suppose l’existence de la personne juridique. De manière similaire, au droit continental des distinctions sont faites quant aux typologies des capacités juridiques. En effet, en droit islamique, la capacité juridique est de deux types : la capacité de jouissance (Ahliyyah Woujoub) et celle d’exercice (Ahliyyah Ada). La première renvoie au fait que l’individu soit reconnu juridiquement capable d’assumer ses devoirs imposés par Dieu et de disposer des droits, alors que la seconde fait référence à son aptitude à les accomplir et à faire valoir ses droits.[liv] Dans la perspective du droit islamique, la capacité de jouissance est pensée comme la conséquence ontologique de la condition humaine. C’est là le lien entre personnalité et capacité juridique : la dhimma est la caractéristique propre à l’être humain sans laquelle aucune capacité juridique (Ahliyyah), même de jouissance, ne saurait exister.


            Dans la perspective du droit islamique, la personnalité juridique a largement été adossée à la « réalité » des êtres humains, individus physiques et acteurs tangibles du droit. Toutefois, il n’en demeure pas moins que la reconnaissance de la personne juridique à des entités non-humaines est une question, qui a préoccupée les jurisconsultes au moins dès le IXème siècle. Les débats doctrinaux ne portent pas uniquement sur la nature même des entités fictives, mais ils concernent également le fait de savoir si les entités fictives disposent d’une aptitude à être sujet de droit, comparable en tout point à celle des personnes physiques.


            Les juristes Izz al-Din ibn ‘Abd al-Salam (1262 ap. J-C),  Al-Bahuti (1641 ap. J-C) ou encore Ibn ‘Abidin[lv] (1836 ap. J-C), respectivement des courants doctrinaux chaféite, hanbalite et hanafite, définissent la dhimma comme une qualité de l'être humain, siège des devoirs (al-ilzamat) et des obligations (al-iltizamat)[lvi]. Ces derniers avancent que la dhimma est un attribut exclusif des personnes physiques conférant droits et responsabilités. Ce principe est tiré de l’interprétation du verset 72 de la sourate 33 (Les Coalisés)[lvii] dans laquelle l’Homme accepte la charge d’être tenu pour responsable de ses actes alors que le reste de la création divine a refusé cette charge[lviii] : le fait que l’humanité ait exclusivement reçu le privilège et la responsabilité d’être sujet de droit, contribue aux yeux de certains fuqahas- ou jurisconsultes- à écarter la possibilité pour les entités fictives de disposer d’une personnalité juridique, support de droit et d’obligations. En ce sens, Al-Nawawi[lix] (1277 ap. J-C), s’appuyant sur le principe selon lequel le droit musulman impose des obligations et octroie des droits uniquement aux personnes réelles, souligne que la dhimma est le reflet d’une subjectivité, entendue comme la qualité du sujet, réelle et non fictive (dhatiyya). Ceci contribue à rendre impossible pour les entités fictives la jouissance d’une personnalité juridique.


            Pour autant, il faut mettre en exergue que cette vision est adossée à une certaine herméneutique coranique, qui a été remise en question par des interprétations canoniques alternatives[lx]. De plus, celle-ci ne rend pas non plus compte de certaines solutions juridiques[lxi] courantes dans le monde musulman depuis au moins le califat d’Omar (634-644 ap. J-C)[lxii]. Parmi ces dernières, il y a lieu de citer les institutions du Wakf[lxiii], des mosquées[lxiv] ou encore de l’Office du Trésor public dit « Bayt Al Mal »[lxv]. Nous nous concentrerons sur l’exemple, plus parlant, du Wakf.


            L’exemple du Wakf est intéressant en ce qu’il constitue une invention juridique originale dans le monde musulman. Il puise sa légitimité indirectement dans le Coran[lxvi] et directement dans la tradition prophétique[lxvii]. Concrètement, l’institution du Wakf[lxviii] est un instrument, par lequel le droit de propriété de certains biens est immobilisé[lxix]. Ce faisant, les biens[lxx], après avoir été déclarés comme Wakf, ne restent plus la propriété du donateur : ils deviennent inaliénables et insaisissables. Les biens fixés en Wakf sont retirés du commerce en ce qu’ils ne peuvent, ni être donnés, ni échangés, ou vendus. Les bénéficiaires d'un Wakf, sans en être propriétaires, peuvent jouir des biens immobilisés et de leurs fruits (naturel, civil, etc.) selon un mécanisme similaire à l’usufruit[lxxi]. Les revenus tirées de l’exploitation des Awkafs[lxxii] sont exclusivement consacrés à des d’œuvres charitables ou d’intérêt public (mosquée, école, terres agraires). Enfin, sur le plan de la gouvernance, le Wakf est administré et géré par un Nadhir[lxxiii] et dont les revenus sont déduis des recettes dégagées par le Wakf.[lxxiv]


            L’analyse des sentences des jurisconsultes relativement à la gestion patrimoniale d’un Wakf, atteste que ces derniers l’ont traité comme une entité juridique distincte de ces gestionnaires et lui ont attribué certaines caractéristiques similaires à celle des personnes physiques. En effet, l’exploitation d’un Wakf (par exemple une terre fertile) peut s’avérer génératrice de revenus, lesquels peuvent être utilisés en vue d’acquérir des biens. La question se pose dès lors de savoir à qui doit revenir la propriété des biens ultérieurement acquis grâce aux revenus dégagés par l’exploitation du Wakf. Les jurisconsultes ont avancé que la propriété des biens acquis par le Wakf doit être regardée comme ressortant au Wakf lui-même[lxxv]. Ainsi comme toute personne morale ou physique, le Wakf peut être titulaire de droits de propriété sur des biens matériels, qui se manifestent à l’actif de son patrimoine juridique.


            Une autre hypothèse permet aussi de percevoir dans le Wakf les caractéristiques de la personnalité juridique. C’est le cas lorsque le Wakf est débiteur financièrement vis-à-vis d’un tiers. Le tiers créancier est fondé à réclamer son dû directement auprès de l’administrateur du Nadhir[lxxvi]. Toutefois, si l’extinction de la dette survient après paiement de la somme empruntée, celle-ci pèse sur le passif du Wakf lui-même et non pas sur celui de son l’administrateur. Cela met en évidence d’abord, qu’à l’instar de toute personne morale, le Wakf peut être partie à un contrat (par exemple un contrat de prêt) et l’exécuter[lxxvii]. Ensuite, il est apparaît clair que le Wakf, dispose d’un patrimoine juridique, distinct de celui de son administrateur ou Nadhir et qui reflète notamment d’un point de vue comptable sa personnalité juridique. Au renfort de ce constat, Taqi Usmani observe que les institutions de Wakf ont pu être bénéficiaires de legs[lxxviii], en citant les exemples des donations pécuniaires ou des legs au profit de certaines mosquées et dont le principe a été validé notamment par le juriste de l’école Malékite, Ahmad Al-Dardir (1786 ap. J-C)[lxxix].

 

            Par ailleurs, il convient de noter que la « difficulté » doctrinale, issue du principe selon lequel seule une personne physique peut être sujet de droit, a été surmontée. De plus, cet obstacle n’a pas empêché l’extension du concept de personne juridique aux entités morales. Plus encore, cette dernière a naturellement conduit certains auteurs comme Nyazee[lxxx] à réfléchir sur ce qui constitue la spécificité de la personne morale de droit islamique. Réinvestissant les catégories juridiques classiques du droit islamique, ce dernier explique qu’une personnalité morale demeure singulière en ce qu’elle n’est pas tenue d'observer des devoirs religieux dans la mesure où elle ne dispose pas de la capacité légale d’accomplir les actes cultuels ou «Ahliyyah Al Khittab»[lxxxi].


            Ainsi, il est vrai que dans l’univers du droit continental, le concept de la personne juridique est connu, tant pour les personnes physiques que pour certaines personnes morales. Pour autant, la notion n’y semble pas endémique. En dehors de la tradition juridique civiliste, d’autres systèmes ont accouché de notions à tout le moins semblables. À l’instar de la tradition islamique, qui dispose du pendant de la personne juridique continentale par la dhimma, laquelle a aussi été étendue à certaines entités morales. Dans un contexte de pluralisme juridique, ce constat n’exclut évidemment pas des jonctions et des influences entre les systèmes juridiques continentaux et islamique.

            Enfin, s’il apparait indéniable que la personne juridique des personnes morales est un concept structurant du droit continental, il l’est également en droit islamique. À l’heure de la globalisation des échanges, force est de constater, que la notion de personne morale de « droit islamique » se matérialise notamment dans le financement éthique, dont la place n’a fait que s’affirmer dans la vie internationale des affaires[lxxxii].



[i] Marcel Mauss, Chapitre IV; La “persona”, Sociologie et anthropologie, Presses universitaires, Paris, 1950.

[ii] Timur Kuran, Why the Islamic Middle East Did not Generate an Indigenous Corporate Law, University of Southern California Law School, Paper 16, Law and Economics Working Paper Series, 2016.

[iii] Timur Kuran, The Absence of the Corporation in Islamic Law: Origins and Persistence, 2006, p.3.

[iv] J. Schacht , An Introduction to Islamic Law, Clarendon Press, Oxford, 1964, reprinted 1986, pp. 12912.

[v] G. Cornu, Droit civil, Introduction, les personnes, les biens, Domat, Droit privé, 9ème éd., 1999, p. 191.

[vi] Jacques Krynen, Le théâtre juridique. Une histoire de la construction du droit, Paris, Gallimard, 2018.

[vii] J. Carbonnier, Droit civil, 1/ Les personnes, P. U. F., Paris, 21ème éd., 2000, p. 11.

[viii] R. Saleilles, Les personnes juridiques dans le code civil allemand, 1902.

[ix]« CIVIL DROIT », Muriel FABRE-MAGNAN, Encyclopædia Universalis.

[x] Jeanne Gaakeer, “Suacuiquepersona?” A Note on the Fiction of Legal Personhood and a Reflection on Interdisciplinary Consequences, Law & Literature, 2016, p. 290.

[xi] Jakob Fortunat Stagl, De el hombre a ser persona Los de un concepto jurídico-filosófico en el derecho romano, Revista de Derecho de la Pontificia Universidad Católica de Valparaíso XLV [pp. 373 - 401], [Comment l'homme est devenu une personne : les origines d'un concept juridico-philosophique en droit romain, Revue de droit de l'Université catholique pontificale de Valparaiso XLV [pp. 373 - 401]].

[xii] C’est d’ailleurs l’étymologie que retiendra Marcel Mauss. Celle-ci est néanmoins critiquable sur plusieurs aspects. Voir Florence Dupont, « Comment Marcel Mauss croyait à l’origine romaine de la Civilisation », Cahiers « Mondes anciens » [Online], 11 | 2018, URL : http://journals.openedition.org/mondesanciens/2175.

[xiii] Institut de Gaius : 1,8 ss. y 4824: (8) “Omne ius quo

utimur, vel ad personas pertinet vel ad res vel ad actiones. et prius videamus

de personis. (9) “Et quidem summa divisio de iure personarum haec est, quod

omnes homines aut liberi sunt aut servi”. (10) “Rursus liberorum hominum

alii ingenui sunt, alii libertini. (48) Sequitur de iure personarum alia diviso.

Nam quaedam personae sui iuris sunt, quaedam alieno iuri subiectae sunt

[xiv] A noter que le droit romain manie plusieurs termes pour faire référence aux êtres physiques parmi lesquels on trouve le terme « individuum » en plus de celui de « persona ».

[xv] Institut de Gaius : 2,13: “Servile caput nullum ius habet” [point de droit civil sur la tête de l’esclave].

[xvi]Bertrand-Mirkovic, A. 2003. Chapitre II. La personnalité juridique : Une création du droit. In La notion de personne : Étude visant à clarifier le statut juridique de l’enfant à naître. Presses universitaires d’Aix-Marseille https://books.openedition.org/puam/1130?lang=fr.

[xvii] Ibid, §511.

[xviii] Jakob Fortunat Stagl, De el hombre a ser persona Los de un concepto jurídico-filosófico en el derecho romano, Revista de Derecho de la Pontificia Universidad Católica de Valparaíso XLV [pp. 287-317], [Comment l'homme est devenu une personne : les origines d'un concept juridico-philosophique en droit romain, Revue de droit de l'Université catholique pontificale de Valparaiso XLV [pp. 287-317], 2016.

[xix] Élisabeth Schneider, « L’interprétation des termes d’homme ou de personne en droit savant, source d’inégalité », in Droit et cultures, 69, p. 89-112, 2015, consultable ici https://journals.openedition.org/droitcultures/3533?lang=fr.

[xx] Roger Bernardini, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale/Personne morale – Résumé : Section   1 re - Consécration du principe de la responsabilité pénale des personnes morales 3, Octobre 2017.

[xxi] Décrétale du Pape d’Innocent IV, « Romana ecclesia », cite : « cum collegium in causa universitatis fingatur una persona »  [Le collègue en matière de corporation est représenté en tant que personne].

[xxii] Prujiner, La personnalité morale et son rattachement en droit international privé. Les Cahiers de droit, 31 (4),1990, p 1052–1053.

[xxiii] Ce résultat est aussi voulu et sanctionné par un acte de volonté du Législateur.

[xxiv] La théorie de la fiction a été attaquée par deux séries de théories dites « négatives » ou « réalistes ». Voir Petit, Bruno, et Sylvie Rouxel. « Chapitre 1. La notion de personne morale », , Droit des personnes. sous la direction de Petit Bruno, Rouxel Sylvie. Presses universitaires de Grenoble, 2016, p. 101-112 (§134-136).

[xxv] Roger Bernardini, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale/Personne morale – Résumé : Section   1 re - Consécration du principe de la responsabilité pénale des personnes morales 3, Octobre 2017.

[xxvi] Ibid.

[xxvii] L’École jusnaturaliste moderne, a contribué à façonner les termes de « personne morale » et d’« être moral », repris ensuite dans la première moitié du XIXème siècle. Voir Tzung-Mou Wu. ”Personne” en droit civil français : 1804-1914. Droit. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS); Università degli studi Roma III, 2011. Français.

[xxviii] Grande encyclopédie Larousse, p 10479, éditions 1971-1976 https://www.larousse.fr/archives/grande-encyclopedie/page/10479.

[xxix] Knapp Viktor. Le concept de « personne morale » dans le droit tchécoslovaque In Revue internationale de droit comparé. Vol. 11 N°3, Juillet-septembre 1959. p. 521.

[xxx] Les problématiques juridiques ont par exemple trait à la gestion patrimoniale, au droit d’ester des entités fictives.

[xxxi] F. Al Mawlawi, Simplification des règles des actes cultuels, Bayane éditions, p. 9.

[xxxii] « الشَّرِيعَة »,  dont le sens étymologique évoque les idées de « voie », d’ « ouverture », ou de « chemin ».

[xxxiii] Baudouin Dupret, La charia: Des sources à la pratique, un concept pluriel. La Découverte, 2014, p. 5.

[xxxiv] Ibid.

[xxxv] L’utilisation de l’expression « corpus juridique » ne doit pas tromper : la Charia n’est pas un corpus juridique matériel comme on pourrait penser au code civil français.

[xxxvi] C’est le cas par exemple de l’interdiction de la consommation de substances psychoactives par analogie à l’interdiction des boissons alcooliques.

[xxxvii] A. Khallaf, Les fondements du droit musulman, Al Qalam Éditions, (p 13-15), 2004.

[xxxviii] Nathalie Bernard-Maugiron, Fiqh, Orient XXI, 6 Octobre 2017, https://orientxxi.info/mots-d-islam-22/fiqh,2033.

[xxxix] Ibid.

[xl] Le droit positif moderne n’exclue pas l’influence du droit religieux.

[xli] Voir le Canon ou « Qanun » d’Ibn Sina par exemple.

[xlii] Mouvement de renouveau de la pensée arabe au XIXème siècle.

[xliii]Pascal BURESI, « MUSULMAN DROIT », Encyclopædia Universalis

[xliv]Nathalie Bernard-Maugiron, Chapitre 3. La place de la Charia dans la hiérarchie des normes,  in Baudouin Dupret, La charia aujourd’hui, 2012, La Découverte, p. 51.

[xlv] Entrée pour « dhimma » dans le dictionnaire en ligne Al Maany consultable ici

[xlvi] Les occurrences coraniques du terme dhimma se trouvent dans les sourates At-Tawbah (S9, V8 et V10), Al Isra (S17, V18 et V22), ainsi qu’Al Qalam (S68,V59).

[xlvii] Hadith n° 387 issu du receuil d’Al Bukhari, Chapitre dédié à la Prière rituel ou « Kitab As-Salat ».

[xlviii] A.Ghadas, Zuhairah Ariff and W. Husin Wan Rumaizi, The Myth of Corporate Personality, An Overview from the English Law and Shariah, Shariah Law Reports, 2008, LexisNexis Malayan Law Journal, 3.

[xlix] Al Mawardi, Ahkam Asultaniyah, ou Statuts Gouvernementaux, Chapitre 13 : Sur la dhimma et le kharaj, p. 210-211.

[l] Pour en savoir plus sur la diversité des statuts qui se cache la notion de dhimma (protégés de l’État), voir Yadh Ben Achour Chapitre 5. « L’œuf de l’islam », baïdhat al islam, face à l’adversité du dedans in Dans Aux fondements de l'orthodoxie sunnite (2008), pages 96 à 111 et §28.

[li] Hadith n°3397, issu du receuil de Muslim.

[lii] J. Schacht, Origins of Muhamadan jurisprudence, p.1-5.

[liii] Cette situation fait référence à la situation dans laquelle un homme désire se marier. Si dernier est capable d’honorer ses obligations alimentaires vis-vis de son épouse, il est cependant incapable de payer le douaire matrimoniale. Pour plus de détail, se référer au chapitre consacré « à l’homme incapable d’honorer son obligation alimentaire vis-à-vis de son épouse » du Kitab Al Umm de l’Imam Chafi’i consultable ici . Cité dans « The legal personality (dhimma) in Islamic Law: how to separate personal obligations from goods and secure credit for the insolvent » Baber Johansen, Economic growth center, Yale University, 2011.

 

[liv] A. Khallaf, Les fondements du droit musulman, Al Qalam Éditions, (p 199-200), 2004.

[lv] Ibn Abidin, Radd al-Muhtar ala al-Dur al-Mukhtar, p. 80, édition de Beyrouth, cité dans Al Shakhsiyah Al Irtibariyah, bayna Al Fiqh wa al Qanun, Dr. Mohamed Asayed Al Dasouki, Kouliyah Al Shariah wal Qanun wa Dirasat Al Islamiyah, Jamirat Qatar, p.358, [La personne morale entre fiqh et Qanun, Dr. Mohamed Asayed Al Dasouki, Faculté du droit et de la Charia et des études islamiques, Université du Qatar, p358].

[lvi] Al-Makashifi Thoha Al-Kabashi, Al-Zimmah Wa Al-Haq Wa Al-Iltizam Wa Ta’thiruha Bi Al-Mawt Fi Al-Fiqh Al-Islami (Dirasah muqaranah Riyadh: Maktabah al-Haramayn 1989).[La dhimma : droit, obligations et conséquence sur la mort en droit islamique, Études comparatives, Bibliothèque Al-Haramain].

[lvii] Sourate les Coalisés ou Al Ahzab (S33,V72) : « Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité (de porter les charges de faire le bien et d'éviter le mal). Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l'homme s'en est chargé; car il est très injuste [envers lui-même] et très ignorant. »

[lviii] Ahmed Ali Abdallah, La personne morale en droit islamique, Partie 2, p110, 2017 (version originale)

[lix] Voir le Minhaj At Talibin, manuel du XIIIe siècle portant sur le droit chaféite des successions.

[lx] Al Shakhsiyah Al Irtibariyah, bayna Al Fiqh wa al Qanun, Dr. Mohamed Asayed Al Dasouki, Kouliyah Al Shariah wal Qanun wa Dirasat Al Islamiyah, Jamirat Qatar, [La personne morale entre fiqh et Qanun, Dr. Mohamed Asayed Al Dasouki, Faculté du droit et de la Charia et des études islamiques, Université du Qatar].

[lxi] En effet, Muhamad Taqi Usmani met en lumière que certaines entités fictives, c’est-à-dire non-humaines, ont démontré une certaine forme de personnalité morale. C’est le cas notamment du Wakf et de l'Office du Trésor public dits de « Bayt al-Māl ».

[lxii] Sous le califat d’Omar a été institutionnalisé « Bayt al-Māl ». Un terme utilisé historiquement pour désigner l’office du Trésor public, dont les actifs comprenaient tous les revenus existants et potentiels de l’État musulman, distinct du patrimoine du dirigeant ou du gouverneur musulman de l’époque qui en assurait la gestion. Voir Coulson, N.J., Cahen, Cl., Lewis, B. and [R. Le Tourneau], “Bayt al-Māl”, in: Encyclopédie de l’Islam.

[lxiii] Le terme habous, acception plutôt maghrébine, est utilisé comme synonyme du wakf, acceptation plutôt moyen-orientale. Voir Khalfoune Tahar. Le Habous, le domaine public et le trust. Revue internationale de droit comparé. Vol. 57 N°2,2005. pp. 441-470.

[lxiv] Face à la question de savoir s'il est légitime de léguer des biens à une mosquée, les premiers juristes des écoles de droit Chaféite et Malékite avaient tranché par l’affirmative. De même, le quatrième calife Ali (m. 661) aurait affirmé que la Kiswa- voile noir recouvrant l’édifice sacré- de la Kabah est la propriété de la Kabah elle-même.

[lxv] Voir Al Shakhsiyah Al Irtibariyah, bayna Al Fiqh wa al Qanun, Dr. Mohamed Asayed Al Dasouki, Kouliyah Al Shariah wal Qanun wa Dirasat Al Islamiyah, Jamirat Qatar, P. 352 [La personne morale entre Fiqh et Qanun, Dr. Mohamed Asayed Al Dasouki, Faculté du droit et de la Charia et des études islamiques, Université du Qatar,] p. 352.

[lxvi] Selon une interprétation du verset Sourate 2, La Vache, Verset 177 : « La piété ne consiste pas à tourner vos visages vers l'orient ou vers l'occident, la piété, c'est croire en Dieu, au Jugement dernier, aux anges, aux livres et aux Prophètes; la piété c'est de donner de son bien malgré l'attachement qu'on lui porte - aux proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs, aux mendiants et au rachat des captifs ».

[lxvii] Rapporté par Al Boukhari, chapitre des « Testaments » Hadith n°2772 par l’intermédiaire d'Ibn ‘Omar : «Omar eut une terre à Khaybar. Il  vint alors dire au Prophète : “Je viens d’avoir à Khaybar une terre, et je n ai  jamais eu un bien aussi précieux. Que me recommandes-tu de faire d’elle? — Si tu  veux, répondit le Prophète, tu peux garder son fonds et faire aumône [de ce qu’elle  contient].”   «En effet, ‘Umar fait aumône de cette terre en posant la condition qu’elle ne  serait ni vendue, ni offerte, ni héritée, qu’elle serait pour le pauvre, les proches,  l’affranchissement des esclaves, pour la cause de Dieu, pour l’hôte et le voyageur,  et que son administrateur pourrait en manger d’une manière modérée ou en  donner à manger à un ami sans toutefois considérer la chose comme une propriété  personnelle.»

[lxviii] Louis Milliot, Introduction à l'étude du droit musulman, Sirey, 1953, p. 537.

[lxix] Etymologiquement, le Wakf signifie interrompre, immobiliser.

[lxx] Même si la plupart des Wakf ont été constitué sur des biens immeubles, on a pu constater que des biens meubles ont pu faire l’objet de Wakf. Voir Louis Milliot, Introduction à l'étude du droit musulman, Sirey, 1953, p. 548.

[lxxi] Similaire en ce qu'un usufruitier dispose du droit de jouissance dans le respect de la chose du nue-propriétaire.

[lxxii] En arabe, le pluriel du terme Wakf est Awkaf.

[lxxiii] Le Nadhir est l’administrateur du Wakf. Voir Khalfoune Tahar. Le Habous, le domaine public et le trust in Revue internationale de droit comparé. Vol. 57 N°2,2005. p. 445.

[lxxiv] Hacène Benmansour Politique économique en Islam, Al-Kalam, 1994, p. 68.

[lxxv] Al-Fatawa al-Hindiyyah, « Waqf », Ch. 5, 2:417 cité par T. Usmani dans « An introduction to Islamic Finance », Kluwer Law International, 2001.

[lxxvi] A cet égard, comme le rapporte Dr. Mohamed Asayed Al Dasouki, dans son ouvrage précité (voir note 59, p.360), un créancier vis à vis du Wakf, n’est pas fondé à réclamer son dû auprès d’un Nadhir qui aurait quitté ses fonctions, ni à ses héritiers, quand bien même la dette aurait été contractée sous l’administration de l’ancien Nadhir. Le dette pèse sur le Wakf lui-même, à charge pour le nouveau du nouveau Nadhir de procéder au remboursement du prêt.

[lxxvii]  Si d’ordinaire le droit islamique des contrats retient que le mort d’un cocontractant déclenche la nullité du contrat, un contrat formé par un Nadhir décédé, n’est pas frappé de nullité : l’engagement est maintenu et l’obligation, objet du contrat, pèse sur la tête du Wakf. Ibid p.360-362.

[lxxviii] On notera ainsi que cette position tente de surmonter l’objection précédemment formulée par Ibn Abidin, Radd al-Muhtar ala al-Dur al-Mukhtar, voir note 54.

[lxxix]  Taqi Usmani, « An introduction to Islamic Finance », Kluwer Law International, 2001.

[lxxx] Imran Ahsan Khan Nyazee, Islamic Law of Business Organization Corporations. Islamic Law and Jurisprudence, Second Ed., 2016.

[lxxxi] Pour plus de détail sur la notion de capacité du point de vue du fiqh, voir Imran Ahsan Khan Nyazee dans Outlines of Islamic Jurisprudence, Sixth Edition, p. 120.

[lxxxii] Ezzedine Ghlamallah, « La valeur du secteur de l’industrie financière islamique devrait atteindre 3 900 milliards de dollars à l’horizon 2023 », Tribune publiée dans Le Monde, 19 Août 2019.

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